>> Retrouvez le rapport dans son intégralité : http://bit.ly/2Gi3OGz
Le Haut Conseil à l’Egalité a remis le 16 février 2018, à Françoise NYSSEN, Ministre de la Culture, son rapport : « Inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture – Acte II : après 10 ans de constats, le temps de l’action », dans le cadre du Tour de France de l’égalité femmes-hommes, lancé par Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Si c’est par le secteur de la culture qu’est arrivée, la vague de mobilisation et de dénonciation inédite des violences faites aux femmes, c’est que les inégalités entre les femmes et les hommes y sont particulièrement flagrantes. Majoritaires sur les bancs des écoles d’arts, les femmes disparaissent avec le temps :
• 97% des groupes programmés par les grands festivals de musique sont composés exclusivement ou majoritairement d’hommes ;
• 85% des expositions-hommage dans les grands lieux d’exposition sont dédiées à un homme ;
• 72% des avances sur recette du Centre national du Cinéma vont à des projets menés par des hommes ;
• depuis sa création il y a 70 ans, le festival de Cannes a décerné 1 palme d’or à une femme ;
• aucune femme ne dirige un théâtre national ou l’un des 7 Centres nationaux de création musicale ;
• le Panthéon compte 4 femmes et 72 hommes ;
Après 10 ans de petits pas, la ministre Françoise NYSSEN a fait la semaine dernière des annonces inédites qui témoignent d’un engagement déterminé à faire reculer les inégalités, en engageant le Ministère sur une démarche d’éga-conditionnalité, en prévoyant des malus financiers pour les organisations qui ne feront pas progresser la place des femmes dans leur programmation et leur direction, selon des objectifs chiffrés à définir.
Cette démarche, promue par le Haut Conseil depuis 2014, repose sur l’idée que les financements publics – 20 milliards d’euros par an dans le secteur de la culture – ne peuvent alimenter des pratiques inégalitaires.
Le HCE se réjouit que les échanges réguliers avec le ministère de la Culture aient déjà pu porter leurs fruits et encourage à aller plus loin pour opérer un changement d’échelle. La démarche d’éga-conditionnalité des financements pourrait être généralisée à l’ensemble de la politique culturelle et l’ensemble des enjeux relatifs à l’égalité femmes-hommes, c’est-à-dire :
• au-delà de la programmation : en amont, à l’accès aux aides à la création (en particulier au CNC et au Conseil national du livre) et en aval, à l’accès aux récompenses (nominations à Cannes, Angoulême, etc.) ;
• à la question de l’image des femmes dans les productions culturelles, avec des objectifs chiffrés pour lutter contre les représentations dénigrantes, dégradantes ou violentes des femmes – comme le fait le CSA avec les chaînes de télévisions depuis 2014 (en priorité, au CNC/fonds jeux vidéo) ;
• à la question de la mémoire de la contribution des femmes à l’histoire des arts – ce que l’on appelle le « matrimoine » – en érigeant un musée national de l’histoire des droits des femmes.
De manière complémentaire, le Ministère de la Culture pourrait lancer un plan de sensibilisation aux stéréotypes de sexe pour l’ensemble du secteur et demander à toute organisation percevant des financements, de communiquer sur les numéros d’écoute et d’orientation pour les victimes de violences (3919 notamment).
Pour y parvenir, il faudra en passer par la déconstruction de la notion de talent, aujourd’hui critère absolu de sélection, trop souvent présenté comme naturel, alors qu’il est le fruit d’une construction sociale. En raison du sexisme, les femmes ne reçoivent pas la même formation, n’ont pas accès aux mêmes réseaux ni aux mêmes moyens pour créer une œuvre, ne disposent pas du même temps pour préparer une exposition ou pour répéter. « On ne nait pas génie, on le devient », disait Simone de Beauvoir. A moyens égaux, le talent le sera aussi !